Lundi 30 novembre 2020
Eric Dionne
Le ministère de l’Éducation du Québec a tranché : il y aura des examens ministériels administrés à la fin de l’année scolaire 2020-2021 pour les élèves de quatrième et de cinquième secondaire. Quant à eux, les conseils scolaires catholiques et publics d’Ottawa ont annoncé en octobre qu’ils annulaient les examens de fin de session et d’année pour le secondaire. Le contexte sanitaire extraordinaire qui amène des ajustements à la fois fréquents et importants a justifié, en partie, cette décision. En Ontario, cette nouvelle a provoqué un soupir de soulagement chez les enseignants, mais aussi chez les parents. On voit clairement que le Québec et l’Ontario abordent la situation de l’évaluation de façon bien différente. Les réactions à la décision du gouvernement du Québec n’ont pas tardé. Des lettres ouvertes écrites par des enseignants ont circulé dans les médias afin d’interpeller le ministre à ce sujet lui demandant d’annuler les épreuves. La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) s’est montrée également critique face à cette annonce. Il est vrai que les arguments évoqués sont convaincants. En effet, on assiste (sans surprise) depuis le début de l’année scolaire à une augmentation significative d’élèves en difficulté. Ce constat n’est guère étonnant dans la mesure où les élèves ont reçu un enseignement totalement atypique depuis le printemps 2020. Ces derniers ont dû composer, par exemple, avec des modalités d’enseignement variables (ex. enseignement à distance, enseignement en classe, enseignement hybride) et de nouvelles règles de vie à l’école (ex. port du masque, classe-bulle, activités parascolaires réduites ou annulées). Les élèves ont beau être en mesure de s’adapter, cela fait de nombreux changements et tout cela dans un contexte d’incertitude et de stress. Dans ce contexte, on peut comprendre que l’annulation des épreuves ministérielles soit réclamée par de nombreux intervenants du milieu de l’éducation. Ceci étant dit, le gouvernement a déjà reculé sur cette annonce en indiquant que la pondération des épreuves seraient revues à la baisse passant de 50% de la note finale à 20%. Évidemment, cela fait en sorte que la pondération des notes écoles se trouvent augmentées d’autant plus que Québec a décidé de supprimer un bulletin en cette année scolaire 2021-2021. Puisque les mesures annoncées ont déjà été amendées, il ne serait pas étonnant que le ministre revienne entièrement sur sa décision et qu’il décide finalement d’annuler, à l’instar de l’Ontario, les épreuves.
Dans ce contexte, une question m’apparaît fondamentale : pourquoi administrer des épreuves ministérielles en juin prochain ? Les épreuves ministérielles sont qualifiées de « certificatives ». Dans les faits, elles servent à combler au moins trois besoins. Le premier est effectivement de délivrer des diplômes ce qui est la prérogative du gouvernement à savoir de certifier. La seconde consiste à monitorer le système d’éducation. Autrement dit, il s’agit de prendre une photo qui permet de savoir si grosso modo le système a bien répondu aux attentes. La troisième vise à s’assurer d’exercer un contrôle sur les écoles. Dans ce cas, le gouvernement veut s’assurer, par l’intermédiaire de ses épreuves, que les programmes sont bels et bien enseignés et qu’il y a une uniformité de l’enseignement partout sur le territoire. Dans la mesure où l’on sait très bien que l’enseignement primaire et secondaire vise à offrir une éducation de base, il me semble raisonnable de certifier les élèves par d’autres moyens qu’une épreuve surtout dans le contexte actuel. Ce serait sûrement le bon moment pour reconnaître le jugement des enseignants et leur faire confiance. Il va de soi qu’il faut assurer un certain contrôle, mais les directions d’école pourraient certainement s’acquitter de cette tâche avec leur équipe-école. En ce qui concerne le processus de monitoring, je pense qu’on pourrait fort bien s’en passer pour la présente année scolaire. Il n’y a rien de surprenant à apprendre que plus d’élèves rencontrent cette année des difficultés. Cela était prévisible et je l’avais d’ailleurs déjà écrit dans un précédent billet de blogue paru il y a plusieurs semaines passées. Inutile d’être devin. Enfin, il reste la fameuse question du contrôle. En ce qui me concerne, j’ai l’intuition que c’est sur cet aspect que le bât blesse dans les officines du ministère. Éliminer les épreuves, c’est renoncer à exercer un certain contrôle sur les écoles et les enseignants. Comment en effet s’assurer qu’ils enseignent le programme si l’on enlève le spectre de l’évaluation ministérielle ? Le fait d’avoir revu à la baisse la pondération des épreuves sans les éliminer, me laisse à penser qu’on tient mordicus à conserver le pouvoir de l’examen… Si cette intuition s’avère juste, à quoi pourraient ressembler les épreuves ? Le ministère ne pourra faire autrement que de produire une version allégée de ses épreuves. Il est évident que ce dernier ne voudra pas faire face à une déferlante d’échecs. Il y a donc tout lieu de croire que l’examen sera extrêmement facile afin de s’assurer qu’aucun élève ne soit véritablement désavantagé et qu’on tienne compte du contexte sanitaire. Si j’étais ironique, j’ajouterais, au passage, que le ministère pourrait se gargariser d’une saine gestion puisque le taux de réussite est… excessivement élevé! Dans tous les cas, que nous apprendrons les résultats de ces épreuves si elles sont administrées ? Pas grand-chose. Le gouvernement du Québec devrait s’inspirer des initiatives du gouvernement de l’Ontario et faire contre mauvaise fortune bon cœur en profitant des circonstances exceptionnelles pour réfléchir à des façons novatrices de certifier. À titre d’exemple, le gouvernement ontarien a annoncé la mise en place d’un examen adaptatif en mathématiques pour les élèves de la neuvième année. Voilà une initiative intéressante qui pourrait permettre de vérifier certains acquis tout en limitant la tricherie lorsque les évaluations doivent se réaliser à distance. Nous faisons face à une situation exceptionnelle qui demande des initiatives exceptionnelles. Ce serait peut-être le moment de réfléchir « à l’extérieur de la boîte » plutôt que d’essayer de se rabattre de façon obstinée sur des façons de faire certes bien connues et rassurantes, mais peu adaptées aux circonstances.