Le « bulletin » des écoles secondaires de l’Ontario

Lundi 2 novembre 2020

Eric Dionne

Dans mon dernier texte, je présentais les arguments plutôt en défaveur de la publication du « Bulletin des écoles », publié chaque année par l’Institut Fraser (IF). Dans celui-ci, je présenterai quelques exemples qui montrent les lacunes de ce genre de classement et des biais d’interprétation qu’il peut générer.

Quels sont les résultats des écoles francophones de la région d’Ottawa ?

Avant de débuter, commençons par examiner, dans le tableau ci-dessous, les résultats des élèves francophones du secondaire de la région d’Ottawa, pour l’année 2018-2019. On constate que les résultats sont très bons, car quasi toutes les écoles se situent au-dessus de la valeur médiane (Md = 369,5). On remarque également que les scores obtenus en 2018-2019 sont, pour la plupart des écoles, dans la continuité de ceux obtenus entre 2015 et 2019. Il n’y a que les écoles Franco-Cité et De La Salle qui ont un score inférieur à la moyenne des cinq dernières années. Quant à elle, l’école Omer-Deslauriers obtient un score plus élevé. Que peut-on conclure ? Les écoles obtiennent de très bons résultats. Les derniers de cette année sont cohérents avec ceux obtenus dans les dernières années. On retire donc peu de nouvelles informations du « Bulletin » de cette année.

Tableau 1. Résultats des élèves fréquentant une école secondaire francophone de la région d’Ottawa en 2018-2019.
Écoles Rang (/739) Score 2018-2019 Score 2015-2019 Vocation Besoins particuliers
Béatrice-Desloges Orléans 180 7,2 7,4 Catholique ND
De La Salle Ottawa 209 7,1 7,8 Publique 19,5
Omer-Deslauriers Nepean 225 7,0 6,1 Publique 19,4
Franco-Cité Ottawa 440 5,9 6,6 Catholique 21,4
Louis-Riel Gloucester 111 7,6 7,3 Publique 17,2
Gisèle-Lalonde Orléans 163 7,3 7,3 Publique 21,7
Franco-Ouest Nepean 310 6,6 6,6 Catholique ND
Garneau Gloucester 72 7,9 7,5 Catholique ND
Maurice-Lapointe Kanata 52 8,1 7,9 Publique ND
Mer bleue Orléans 180 7,2 ND Catholique ND
Paul-Desmarais Ottawa 42 8,2 ND Catholique ND
Pierre Savard Nepean 163 7,3 6,7 Catholique ND
Samuel-Genest Ottawa 261 6,8 6,8 Catholique 25,5

Les « meilleures » écoles ?

L’Institut Fraser fait le choix de présenter son classement en s’appuyant sur un certain nombre d’indicateurs que j’ai présentés dans le précédent texte. Or, les scores ne sont pas pondérés en fonction de la réalité sociopédagogique des élèves. En effet, l’IF fait une mise en rang sans prendre en compte les écoles qui accueillaient plus ou moins d’élèves à besoins particuliers (special needs). Quand est-il quand on compare les « meilleures » aux « pires » ? Le tableau 2 présente la synthèse des résultats pour les écoles occupant les positions 1 à 10 et les positions 708 à 718. On constate rapidement qu’il existe un écart important au regard des élèves à besoins particuliers. En effet, pour les 10 écoles qui se situent en tête du classement, elles accueillent en moyenne 11,2% d’élèves qui ont effectivement des besoins particuliers. Pour les 10 écoles qui se situent en queue de peloton, cette valeur est de… 38,2%. Mentionnons que pour les écoles les mieux classées, on remarque des valeurs manquantes pour trois d’entre elles ce qui pourrait s’expliquer par un financement inexistant donc qu’ils n’accueillent pas d’élèves à besoins particuliers.

Tableau 2. Comparaison entre les 10 écoles les mieux classées et les 10 écoles1 les moins bien classées au classement 2018-2019.
Rang Score
2018-2019
Score
2013-2018
Besoins particuliers
Wali ul Asr 1 9,9 7,8 ND
St. Michael’s Choir 2 9,4 9,6 ND
Markville 3 9,4 9,0 15,3
Canadian Intl. School of Hong Kong 4 9,3 ND 9,5
ISNA 5 9,3 8,6 0,0
Colonel By 6 9,2 8,4 8,4
Ursula Franklin 7 9,2 9,2 ND
Bayview 8 9,0 8,9 9,7
St. Therese of Lisieux 9 9,0 9,0 22,2
Abbey Park 10 8,9 8,7 13,6
George Harvey 708 2,4 3,6 15,7
Westview Centennial 708 2,4 1,8 32,7
West Elgin 712 2,3 4,0 30,0
Emery 713 2,1 1,8 31,9
Michipicoten 714 2,0 3,5 42,5
Kapuskasing 714 2,0 3,5 ND
Weston 714 2,0 2,5 33,0
Athens 717 1,9 2,7 ND
Sir John A MacDonald 718 1,8 1,9 24,1
Alexander Mackenzie 718 1,8 1,3 95,3
1J’ai retenu les 10 écoles les moins bien classées pour lesquelles il y a avait suffisamment de données à analyser.
 

Des écarts trompeurs ?

La façon de présenter les résultats par l’IF peut parfois amener des conclusions trompeuses. Examinons les résultats de l’école Béatrice-Desloges et de l’école De La Salle. La première se situe au 180e rang et la seconde au 209e. Il s’agit d’un écart apparent de 29 rangs ce qui peut sembler important. Or, quand on examine les scores obtenus pour chacune d’elles, on constate que l’écart est infinitésimal (0,1) puisque la première se voit attribuer un score de 7,2 alors que la deuxième obtient 7,1. La mise en rang peut entraîner des interprétations erronées et laisser supposer qu’une école, dans ce cas-ci Béatrice-Desloges, est vraiment « meilleure » que l’autre.

Conclusion

Comme je le mentionnais dans mon premier texte sur cette question du « Bulletin », il est certainement là pour rester. Il faut cependant prendre connaissance des résultats avec une bonne dose de jugement critique. Dans une société où le rythme est souvent infernal, on peut se questionner à savoir si tous les parents sont outillés pour lire ces résultats avec toutes les nuances nécessaires. Sans crier à la censure, il m’apparaît justifié de recadrer ces résultats qui ne sont pas toujours à la hauteur des prétentions de leurs auteurs.

Qu’est-ce qu’un parent devrait retenir des deux textes sur le Bulletin ?
 
– la comparaison des écoles n’entraîne pas automatique une amélioration contrairement à ce que postule l’IF;
– le Bulletin ne permet pas aux parents de faire de meilleurs choix. Au contraire, les écoles en queue de peloton partent avec un préjugé largement défavorable. Aussi, mentionnons que les parents ont relativement peu de choix en Ontario et d’autant plus pour ceux qui habitent en zone rurale ou loin des grands centres.
– bien que l’IF présente un indicateur sur le pourcentage d’élèves ayant des besoins particuliers, ce dernier n’est pas du tout pondéré dans le score final (/10) ce qui désavantage les écoles qui répondent justement aux besoins des élèves.
– Les approches normatives et standardisées sont de plus en plus élaguées au profit d’approche critériée. Même si les deux approches coexistent, force est de constater que le MEO s’est largement positionné pour les approches critériées.


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