Pour une vraie reconnaissance des enseignants

Lundi 5 octobre 2020

Eric Dionne

La journée mondiale des enseignants est soulignée chaque année le 5 octobre, et ce, depuis 1994. Cette journée est organisée par l’Organisation des Nations Unis pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et l’Internationale de l’Éducation (IE). Lors de cette journée, c’est l’occasion de rappeler la signature de la Recommandation OIT-UNESCO concernant la condition du personnel enseignant publiée en 1966 et amendée en 1997 en y ajoutant, alors, le personnel enseignant de l’enseignement supérieur. La recommandation originale contient 146 énoncés qui abordent, entre autres, les conditions favorables à l’efficacité de l’enseignement, le perfectionnement des enseignants et les droits et devoirs des enseignants. Parmi tous ces énoncés, trois ont particulièrement attiré mon attention :

Les effectifs des classes devraient être de nature à permettre à l’enseignant de donner à chacun de ses élèves une attention particulière. De temps à autre, on devrait pouvoir réunir les élèves par petits groupes, ou même les prendre un à un, pour leur donner, par exemple, un enseignement correctif. On devrait pouvoir aussi les réunir en grand nombre pour des séances d’enseignement audio-visuel (énoncé 86).

Les autorités et les enseignants devraient reconnaître l’importance d’un perfectionnement en cours d’emploi destiné à assurer une amélioration méthodique de la qualité et du contenu de l’enseignement ainsi que des techniques pédagogiques (énoncé 31).

Tout système d’inspection ou de contrôle devrait être conçu de manière à encourager et à aider les enseignants dans l’accomplissement de leurs tâches professionnelles et à éviter de restreindre la liberté, l’initiative et la responsabilité des enseignants (énoncé 63).

Le premier énoncé fait référence aux ressources et aux conditions mises à leur disposition pour exercer leur profession. Au cours des vingt-cinq dernières années, j’ai tellement entendu d’enseignants indiquer qu’ils n’avaient pas les ressources minimales pour faire un travail satisfaisant. Le stress des enseignants vient souvent de ce sentiment de ne pas être en mesure de donner le maximum aux élèves et surtout à ceux qui ont des besoins plus importants. La frustration est alors au rendez-vous quand il ne s’agit pas carrément de désœuvrement. Les gouvernements, et parfois même la population, minimisent ces appels à l’aide en évoquant que les enseignants demeurent bien « traités » ou encore qu’ils ont « deux mois de vacances » l’été pour récupérer. La plupart des enseignants que je connais veulent surtout avoir les moyens de faire adéquatement leur travail plutôt que des augmentations de salaire ou plus de congés. L’énoncé 86 est au cœur des cris lancés par les enseignants afin de réduire la taille des groupes pour qu’ils puissent accorder une attention suffisante à TOUS les élèves.

Le second énoncé aborde la question de la formation continue. D’aucuns s’entendent que la formation initiale pose certes les jalons de compétences, mais que ces dernières seront en constant développement la carrière durant. En effet, la profession enseignante nécessite tant de compétences qu’il est impossible de toutes les développer dans le cadre d’une formation initiale qui dure au Canada entre deux et quatre ans. Il est nécessaire que les enseignants puissent parfaire leur pratique et qu’ils aient les conditions pour le faire. Il est impératif qu’ils puissent assister à des conférences, puissent se procurer des livres, etc. Une petite anecdote à ce sujet. En 2015, j’organise une conférence en évaluation des apprentissages. J’invite alors des enseignants et des conseillers pédagogiques à y assister. Plusieurs étaient d’accord à venir, mais ils ont dû décliner puisque le budget total qui leur était consenti ne couvrait même pas les frais d’inscription à la conférence qui étaient de 300$! Comment alors le personnel enseignant peut-il maintenir ses connaissances à jour si on ne leur en donne pas les moyens ?

Le troisième énoncé fait allusion au processus de contrôle de l’enseignement. En cette période où la reddition de compte règne en véritable dogme, il n’est pas inintéressant de s’imprégner de cet énoncé qui est on ne peut plus d’actualité même s’il a été écrit il y a plus de 50 ans. Ce dernier mentionne clairement que l’inspection ou le contrôle devrait permettre d’AIDER les enseignants. Il s’agit clairement d’un énoncé qui fait référence à l’évaluation formative des enseignants. On assiste depuis quelques décennies à un fort mouvement néolibéral qui vise à restreindre leur liberté et à augmenter leur imputabilité. Les cas de fraudes, de magouillage des résultats des élèves ou encore de décisions arbitraires sont clairement en hausse et les raisons ne sont certainement pas étrangères à ce courant de pensée qui a pour objectif principal de maximiser chaque dollar investi en éducation. On constate que nous sommes loin de l’énoncé originale de cette recommandation.

Conclusion

En terminant, je pose deux constats. Le premier c’est que cette recommandation demeure étonnamment d’actualité 50 ans après sa publication. À la lecture des 143 autres énoncés, on retient que la majorité de ces dernières demeurent valides encore aujourd’hui. Certes, la forme peut varier, mais le fond demeure pertinent. Le second c’est que les systèmes éducatifs tardent à s’arrimer à cette recommandation. Il s’agit certainement d’un document qui présentent des vœux pieux, mais l’actualité récente nous rappelle durement que d’économiser sur le dos de l’éducation finit toujours par engendrer des coûts beaucoup plus importants.

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