Recherche enseignants suppléant désespérément

Lundi 28 septembre 2020

Eric Dionne

Les autorités scolaires québécoises et ontariennes ont lancé récemment une vaste campagne visant à recruter du personnel qui pourrait suppléer aux enseignants réguliers du primaire et du secondaire. Le Centre de services scolaire des Draveurs (CSD) envoyait un courriel vendredi dernier à tous les parents de son territoire pour les inviter à poser leur candidature. Pour ce faire, il faut respecter deux critères d’admissibilité : détenir au minimum un diplôme d’études collégiales et ne pas avoir d’antécédents judiciaires. En Ontario, on assiste à un mouvement semblable qui consiste à contacter les enseignants retraités afin de leur demander de reprendre du service. Ces événements m’amènent à poser trois constats. D’abord, la pandémie de Covid-19 a considérablement fragilisé des systèmes éducatifs qui étaient déjà mal en point. Ensuite, force est de constater que les stratégies pour éviter les bris de service sont faibles. Finalement, en ce qui concerne la professionnalisation de l’enseignement, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

La recherche de suppléants a toujours présenté des défis pour le personnel administratif. C’était vrai en situation dite normale et cela l’est d’autant plus en contexte de pandémie. Dans une année scolaire ordinaire, on sait qu’il sera difficile d’en trouver à certaines périodes du calendrier scolaire. Cela n’est généralement pas le cas à la fin du mois de septembre. Les autorités ont accordé les contrats nécessaires afin de commencer l’année scolaire et une certaine accalmie règne. Cette année, on sent un vent de panique souffler avant même la fin du mois de septembre : il manque déjà de suppléants! Les raisons sont certainement variées. On peut penser que certains enseignants ont dû se placer en isolement ou que d’autres doivent s’occuper de leur(s) propre(s) enfant(s) qui se voi(en)t refuser l’accès à la garderie ou à l’école quand ce n’est pas que les enseignants ne sont pas eux aussi malades. On peut aussi penser que le passage aux modalités « à distance » a eu raison de la santé de quelques enseignants si ce n’est pas le surmenage, le stress ou l’anxiété. Bref, il n’est pas nécessaire d’être devin pour imaginer qu’il faudra remplacer, plus qu’à l’habitude, les enseignants. Est-ce que ce constat était prévisible ? Oui.

En Ontario, le gouvernement a eu la décence de demander à des enseignants de formation de venir aider les élèves. Ainsi, on lance un appel à une population à risque de se placer dans un contexte difficile. Il serait certainement possible de mettre à contribution ces enseignants, par exemple, pour l’organisation des cours en ligne. En ce moment, on ne sait pas trop de quoi il sera exactement question pour ces derniers, mais s’ils sont sollicités pour l’organisation des cours en ligne encore faudra-t-il les former ou les accompagner pour qu’ils puissent véritablement mettre l’épaule à la roue. La stratégie québécoise visant à trouver des suppléants mérite une attention spéciale. En supposant que les personnes qui postulent n’aient pas d’antécédents judiciaires, ce qui devrait être le cas de la majorité, il ne faut… qu’un diplôme collégial! Autrement dit, d’aucuns pourraient penser que la CSD ne cherche pas des suppléants, mais bien des surveillants d’élèves. D’ailleurs, sur le site de la CSD, on mentionne que les personnes choisies pourront « bénéficier d’une planification élaborée par l’enseignante ou l’enseignant absent, toutes nos suppléantes et tous nos suppléants sont accompagnés par leurs collègues du même niveau ainsi que par les membres de notre équipe de services complémentaires et celle de la direction ». Autrement dit, et je caricature à peine, on cherche des personnes qui devront s’assurer que les élèves restent dans la classe, ne cassent rien et fassent les pages dans le cahier d’activités. Est-ce que ce constat était prévisible ? Oui.

En terminant, les stratégies déployées par les autorités scolaires en disent long sur la vision du professionnalisme qu’ils confèrent aux enseignants. Est-ce qu’on accepterait de se faire opérer par un novice à qui on aura dit de « suivre la procédure » et qu’il sera accompagné durant l’intervention par d’autres chirurgiens qui ne seront évidemment pas sur place ? Est-ce qu’on accepterait qu’un avocat soit remplacé par un commis de bureau le jour de la plaidoirie ? Non ? Pourquoi alors peut-on agir de la sorte avec les enseignants ? Il faut développer de nombreuses compétences pour enseigner. En période difficile, il faut en faire une priorité et se préparer afin d’éviter les bris de service. Est-ce que ce serait prévisible ? Oui.


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